Notre besoin de consommation est-il possible à rassasier?
- philhaans
- 8 juil.
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Yoga-Sūtra de PATAÑJALI nous dit qu’en nous il y a une source de souffrance : le désir, l’avidité. Le désir agit malgré nous, sous couvert de “méconnaissance” il nous fait vouloir toujours plus d’objets, de voyages, de musiques, de savoirs… Un peu plus loin dans le texte, PATAÑJALI nous donne des pistes pour résister à l’ardeur de nos émois. L’une d’elle, et pas des moindres, est de cultiver le contentement. Le contentement fait partie des astreintes personnelles (Niyama) qui nous sont proposées. Il faut s’astreindre au contentement nous dit-il. Le mot sanskrit est Santoṣa (prononcé “santocha”). Nous sommes soumis au désir, et celui-ci est décrit comme une source de souffrance (Kleśa). Une avidité intérieure qui nous pousse à vouloir toujours plus. Le désir, poussé par l’égo, sont les deux leviers principaux du marketing. Nous faire croire que nous serons une plus belle ou une meilleure personne parce que nous possédons tel objet ou tel autre est une des grandes réussites des marketeurs. De ce fait, nous passons d’un désir à l’autre et si nous sommes honnêtes avec nous même, tout cela n’est pas très satisfaisant. Et si par hasard, nous choisissons de ne pas nous laisser aller à acheter l’objet tant désiré, la frustration ne sera pas simple à supporter. SCHOPENHAUER nous explique que nous passons constamment de la souffrance (ou désir ardent) à l’ennui. Souffrance du manque, à l’ennui de la satisfaction de ce désir par manque dudit désir. Car, ce que l’on désire c’est le bonheur et, une fois le désir satisfait, il ne reste que l’absence du bonheur. Cela peut paraitre sombre comme vision de l’existence mais à bien y regarder, nous oscillons constamment entre souffrance du désir et l’ennui dû à l’absence du bonheur au lieu même de sa présence attendue. Souffrance du manque du téléphone dernier cri, ennui sur les réseaux sociaux. Souffrance du désir de cette belle voiture, ennui dans les bouchons… Stig DAGERMAN avait lui aussi compris quelque chose de ce désir ardent qui nous pousse vers une constante insatisfaction. Dans son texte “Notre besoin de consolation est impossible à rassasier”, il fait ce constat que nous sommes toujours aux prises au désir. Pour lui “toute consolation (entendez satisfaction du désir), ne prenant pas en compte ma liberté est trompeuse, elle n’est que l’image réfléchie de mon désespoir”. 2 Nous nous aliénons nous-même à nombre d’objets, sans jamais en être satisfaits. Espérant y trouver le bonheur et n’y trouvant que l’ennui au mieux et à défaut, une aliénation. On pourrait changer aujourd’hui le titre de son texte “Notre besoin de consolation est impossible à rassasier” par “Notre besoin de consommation est impossible à rassasier”. Mais alors il n’y a pas de possibilité de contentement ? L’avenir est-il si sombre ? PATAÑJALI nous donne un espoir mais nous prévient aussi que le chemin ne sera pas si simple. D’abord la pratique ! C’est ce que disait souvent DESIKACHAR. “Entendez : pratiquez, pratiquons et après nous verrons.” Pour trouver le contentement, cela passe aussi par là. Dans la pratique c’est d’abord se contenter de ses possibilités, de ses limites, de son manque de force ou de souplesse alors que le voisin de tapis, il y arrive lui, à pratiquer parfaitement cette posture… Le contentement c’est, en tant que pratiquant, faire avec : avec son corps, limité, avec ses raideurs, ses faiblesses - bref - faire avec. Pas simple car l’égo désire plus… 3 “Je crois qu’il faut s’efforcer à pratiquer régulièrement plutôt que se forcer à pratiquer. La différence mérite réflexion.” C’est aussi faire avec nos possibilités temporelles. Une pratique quotidienne serait un minimum mais dans nos vies trop remplies (à cause du désir soit dit en passant), il est parfois difficile de trouver un espace pour une séance de Yoga même courte. Je crois qu’il serait dangereux d’idéaliser l’ascèse du Yogi ou de la Yogini (féminin de Yogi). L’idéal reste impossible à atteindre de toute façon, alors faisons avec le réel. Je crois qu’il faut s’efforcer à pratiquer régulièrement plutôt que se forcer à pratiquer. La différence mérite réflexion. Néanmoins, à travers cette pratique régulière le Yogi ou la Yogini va s’éprouver et petit à petit pacifier l’ardeur du désir. La pratique est constamment à remettre sur le tapis car il n’y a pas d’aboutissement à la pratique du Yoga, si ce n’est Kaivalya, la libération, mais cela est un autre sujet. Cultiver l’ascèse du contentement par une profonde réflexion sur soi est la seconde piste que nous propose PATAÑJALI dans son texte. Voyez cela comme une tentative, un essai mais cela reste une ascèse. S’astreindre au contentement et faire avec la frustration… La pratique du Yoga permet une pacification du mental et la réflexion sur soi permet de regarder ce qui est et d’apprendre à faire avec. Car oui, le Yoga ne s’arrête pas à la pratique, celle-ci est le socle de la réflexion sur soi. PATAÑJALI dans son texte nous propose de nombreux axes de méditation comme l’authenticité, l’honnêteté, le désintéressement… et il nous promet que par cette réflexion sur le contentement, “il y a réalisation d’un bonheur sans pareil”. On voit bien que le bonheur dont parle SCHOPENHAUER n’est pas dans la satisfaction de nos désirs mais dans la recherche d’une sobriété.
Article paru de la revue yogazette d'IFY sud ouest


