Yoga : faire ou être ?
- philhaans
- 25 août
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Les dérives du yoga aux prises à une pratique gymnique, décoré de new âge ou ésotérique questionne ce qu’est devenue le yoga aujourd’hui. Pratiquer c’est un engagement. Un engagement sur la durée, la régularité d’une pratique qui va nous confronter à nous même, à notre corps, ses limites, ses possibilités, notre souffle et notre mental souvent surmené.
Patanjali dans le yoga-sutra, nous donne la définition du yoga comme étant « l’arrêt de l’agitation du mental dans le but de faire apparaitre notre être profond ». Simple mais difficile. Car il ne faut pas oublier qui nous sommes et de quoi nous sommes faits. Il nous faudra beaucoup de séances pour pacifier et nettoyer notre agitation intérieure. Tout au long du yoga-sutra Patanjali nous donne des moyens et parmi ceux-ci il y a la pratique posturale. Celle-ci doit être au service du calme et de la clarté du mental, cela ne veut pas dire que la pratique du yoga doit être calme ou molle, elle peut être tonique voire très tonique et exigeante mais son aboutissement sera l’apaisement intérieur. Un autre moyen proposé dans ce texte sont les techniques respiratoires. Il y en a pléthore et certaines peuvent être stimulantes mais le but sera le même. Un des autres moyens importants proposé par Patanjali sur le chemin du yoga est de se questionner et d’apaiser nos relations, qu’elles soient aux autres ou à nous même. Il y a souvent quelque chose à ajuster. On pourrait s’interroger sur ce que vient faire la relation à l’autre avec la pratique du yoga mais, si toutes nos relations étaient harmonieuses ne serions-nous pas un peu plus en harmonie nous aussi ? Et, qu’en est-il de ce que je pense de moi, suis-je en harmonie avec moi-même ? Patanjali nous pose ces questions, donne des axes de réflexion et des outils d’apaisement. Enfin une grande partie du texte de Patanjali est consacrée à la méditation. C’est d’ailleurs l’aboutissement de la pratique du yoga. Ce que nous dit Patanjali, quand ou voit tous ces moyens proposés, c’est que le yoga ne s’arrête pas au tapis, il vient s’immiscer partout dans la vie du yogi ou de la yogini. Le yoga c’est donc faire. Faire des postures, faire des respirations, faire des méditations faire de l’harmonie en nous et autour de nous. L’un des aspects du yoga, et c’est le plus tangible, c’est le faire. Mais qu’en est-il de l’être ?
Ce qui peut paraitre l’opposé de faire c’est être mais ne serait-ce pas le complément plutôt que l’opposé ? Prenons la méditation par exemple, rien de plus simple : s’assoir. Mais, « ce faire » doit permettre « de l’être » justement. Et, le plus difficile dans tout cela n’est pas de faire mais justement d’être, de laisser de la place à ce qui nous constitue et d’aller y voir. Et nous verrons tout ce qui empêche, tout ce qui ne permet pas. Patanjali dénombre 5 troubles qui empêchent l’être de se révéler. L’excès d’égo, l’excès d’avidité, l’excès de peur, l’excès de rejet, le tout nimbé de méconnaissance, en constante fluctuation et mutation. S’accordant l’un à l’autre et s’exacerbant. Nous sommes donc soumis à nos émois, aux prises avec et nous préférons bien souvent faire car c’est difficile d’être. Faire du travail, faire des loisirs, faire des sorties, faire du temps passé sur les écrans ou faire du shopping… mais nous laissons-nous du temps ?« As-tu déjà essayé de rester en silence absolu, d’écouter tes pensées couler librement, sans entraves ? C’est terrifiant. L’homme ne supporte pas de se confronter à lui-même, alors il remplit sa vie de bruit, de travail, de conversations creuses, de substances qui l’engourdissent… de tout ce qui peut lui éviter la seule question qui le hante sans relâche : Pourquoi suis-je ici ? Qu’est-ce qui me fait avancer ? Peut-être que la réponse n’est pas de chercher… mais d’arrêter de fuir » Fiodor Dostoïevski.
Dostoïevski nous donne une réponse. Arrêter de fuir et c’est ça que doit permettre le yoga car je crois que même la séance de yoga peut être une fuite. Elle peut être une occupation qui permet d’éviter de se confronter à notre intériorité, à ce qui est. Toute pratique de yoga qui ne permet pas une rencontre avec soi-même, rate. C’est facile d’aller performer des postures, d’aller pratiquer des techniques de respirations tarabiscotées mais, dans quel but ? Pourquoi ? Le yoga n’est pas une occupation, un passe-temps. C’est un engagement de soi-même à soi-même. Si nous en faisons une pratique d’évitement, alors ça rate, ça manque et rien ne change, rien ne bouge. Et, on continue à éviter, à passer à côté, à s’occuper de la surface plutôt que de la profondeur. On continue à s’occuper plutôt que se rencontrer.
Gérard Blitz disait que transmettre le yoga c’est transmettre un état. Il faut d’onc l’avoir rencontré cet état en tant que pratiquant pour en montrer la direction en tant que professeur. Cet état est sûrement plus calme que celui du quotidien, un état de disponibilité à ce qui est dans le silence de la surface et le brouhaha des profondeurs. C’est à cet endroit que se situe l’exigence du yoga, pas dans la performance des postures ou des techniques ni dans le décorum. L’exigence du yoga est dans cette présence fine à notre profondeur.
C’est à cet instant là, une seconde, deux secondes quand tout est calme, claire, que peut apparaitre quelque chose de l’être. C’est fugace et lumineux, terrifiant et merveilleux. Le yoga est alors faire et être en même temps, et il devient le révélateur de ce qui est.


